Faux talibans et vrais lapins sur France 3

Où va-t-on ?


Faux talibans et vrais lapins sur France 3
LE MONDE | 23.12.06 | 14h51 • Mis à jour le 23.12.06 | 14h51

La présentatrice Audrey Pulvar avait lancé le sujet avec les précautions d'usage. Mercredi 6 décembre, le téléspectateur du "19-20" de France 3 allait voir des scènes de guerre en Afghanistan et certaines images, avait prévenu la journaliste, risquaient d'heurter les âmes sensibles. Il y avait effectivement de quoi être choqué. Des soldats américains et britanniques, coiffés de casques spéciaux équipéQuoi penser....???s de mini-caméras vidéo, avaient filmé une fusillade impressionnante dans les montagnes afghanes. On y voyait des corps, présentés par Magali Forestier, la journaliste assurant le commentaire, comme étant ceux de talibans, exploser sous les tirs des soldats et retomber en lambeaux sur le sol. Seulement voilà. Les corps en question n'étaient pas ceux d'humains mais de lapins et de marmottes, cibles de chasseurs. En outre, la scène n'avait pas été filmée en Afghanistan mais dans une région aride des Etats-Unis.



Audrey Pulvar a reconnu l'erreur mardi 19 décembre dans le "19-20", deux jours après que l'émission de France 5 "Arrêt sur images" eut relevé cette énorme bourde. "Il y a quinze jours, nous diffusions, dans ce journal, des séquences vidéo, réalisées lors d'opérations de guerre, par des soldats britanniques déployés en Afghanistan, a expliqué aux téléspectateurs Audrey Pulvar. La pratique se répand au sein des armées britanniques et américaines. Et dans certains conflits, où la presse n'est pas la bienvenue, ces images sont parfois le seul reflet de la réalité des combats. Largement diffusées sur Internet, il arrive qu'elles soient piratées, falsifiées. Malgré nos vérifications, quinze secondes de notre sujet étaient fausses".

Ces explications étaient suivies d'un reportage de Magali Forestier qui racontait comment des scènes de chasse au gibier, extraites d'un site destiné aux chasseurs américains, Varmint Safari, s'étaient malencontreusement retrouvées mêlées à de vraies séquences de combat en Afghanistan, récupérées sur Internet.

"UN OUTIL DANGEREUX"

Selon la journaliste, les séquences vidéo avaient été "authentifiées" par des journalistes britanniques du quotidien The Sunday Telegraph et elles étaient accqu'elles soient piratéompagnées de commentaires "très précis et crédibles". Et de citer le texte correspondant à la séquence en question : "le sniper utilise une arme de calibre 50. Il est à peu près à un kilomètre de distance ou plus. On ne sait pas si le sniper est de la marine ou de l'armée de terre". La journaliste conclut son reportage par ces mots : "Internet, nouvelle source d'information où l'on n'est pas à l'abri de manipulations et de mensonges. La preuve avec ces images que nous avions pourtant pris le soin de vérifier."

"On a fait une connerie, on l'a reconnu à l'antenne et on a expliqué pourquoi. Ce n'est pas une démarche habituelle à la télévision", insiste Paul Nahon, directeur général adjoint changé de l'information à France 3. Selon lui, ce type d'erreur peut se produire "dans toutes les rédactions". "Internet est un formidable outil pour les journalistes, mais c'est aussi un outil dangereux. Cette affaire aura au moins eu le mérite de le rappeler", ajoute-t-il. Si la rédaction du "19-20" dit vouloir être, à l'avenir, "plus précautionneuse", le directeur de l'information affirme : "On se fera encore avoir."